1 mois de marche en Suède
En bref
Des forêts et des lacs à perte de vue. La Suède regorge de petits lieux nature préservés et authentiques.
Soleil de minuit
Lorsque le soleil ne se couche jamais ou qu’il se love à l’horizon aux abords du cercle polaire, la nature, les sensations et les lumières recèlent d’une aura unique.
Hébergements
Au pays où le bivouac y est accepté facilement, rien de plus plaisant que de laisser libre cours à son imagination pour trouver son spot parfait.
Alimentation
En pleine nature, accrocher sa nourriture aux abres, loin de son lieu de bivouac peut se révéler nécessaire. Une ficelle et des sacs étanches garantissent une nuit en toute tranquilité, sans animaux curieux ou affamés.
Le récit
Marcher. Réfléchir. Morfler.
Infinitif heureux. Infinitif valeureux.
Avant de commencer cette expérience je le savais.
Je savais que la douleur, la réflexion et la pérsévérance seraient de mise.
Je le savais.
Mars 2020
Ça y est, l’envie de voyager est devenue à nouveau trop forte. S’extasier sur des paysages et partager des petits moments de vie.
Mon tracé en Norvège est effectué. Depuis des mois je peaufine cette aventure malgré le covid. Celui-ci devait me faire emprunter le célèbre chemin de St-Olav, au Kungsleden en passant par les montagnes et les plaines arides du grand nord.
Lorsqu’il faut se rendre à l’évidence, 2 mois avant le départ, que les frontières de la Norvège resteront fermées, il me faut trouver une alternative. France? Suède? Suisse? Où vais-je pouvoir marcher ces prochains mois?
Les pays nordiques me faisant de l’oeil depuis quelques temps, je me décide alors pour tenter l’aventure suèdoise. C’est alors, mal préparée et très motivée que je réserve mes billets de trains direction: Örebro.
Les 20heures de trajet et la difficulté à comprendre les arrêts de train, me font louper ma correspondance. J’arrive donc à Norrköping, lieu jusqu’alors totalement inconnu, en pleine nuit et sous une pluie battante.
Un départ balbutiant
Je demande au taxi de m’amener loin de la ville, dans un endroit où je peux poser ma tente dans la nature pour la première nuit.
Grosse erreur. Je me réveille quelques heures plus tard, trempée. La tente posée au beau milieu d’une forêt et proche d’un carrefour de routes principales de la zone industrielles. Ma tente à pris l’eau par en dessous. Il pleut tout ce qu’il peut. Je m’évertue à ne pas céder à la panique lorsqu’en voulant aller au toilette je m’égare de mon lieu de bivouac et peine à retrouver Jacqueline (ma tente) et tout ce qui représentera ma maison pour ces futurs mois.
Le lendemain, la pluie continue de plus belle. Extenuée, je décide enfin de regarder sur mon téléphone où je me situe. Sans internet, je galère à trouver un lieu où passer la nuit. 17km de marche sous une pluie battante et 8h plus tard, je trouve enfin un hôtel où faire sécher mes affaires.
Le vrai grand départ
Après un petit déjeuner gargantuesque où se mêle à perte de vue des mets salés et sucrés, j’empaquete mon sac et démarre la marche. Pas question de reprendre le train pour Örebro. Je me décide pour un nouvel itinéraire et commence doucement à rejoindre le nord. La pluie n’a toujours pas cessé, mais est tout de même devenue éparse.
De la forêt, des lacs et de l’asphalte
Les minutes et les heures s’évanouissent rapidement au grés des découvertes. Tout est nouveau! Je m’extasie devant ces forêts enchanteresses. Devant ces maisons sorties des films/séries nordiques que je regardais le soir avant mon voyage. De ces lacs immenses, et des chants mystérieux d’oiseaux inconnus. Mon cerveau est en constante ébullition. Laisser libre cours à ses pensées sans risquer de se faire déranger. Pouvoir mettre le cerveau sur pause, quand les douleurs aux pieds commencent à devenir douloureux. Rien de mieux pour enfin, être soi, et vivre simplement.
Je m’étonne de la vitesse à laquelle mon corps arrive à se régénérer. Les soirs j’arrive aux lieux de bivouac, les pieds en compote et le lendemain je me réveille fraiche, comme si les kilomètres de la veille n’avaient jamais existé. J’ai aussi trouvé une astuce contre la peur de ces grands espaces. Bivouaquer proche de petits villages. Cela me permet non seulement de contrer un peu ce sentiment de solitude et parfois de jouir également d’une petite table, ou d’installations.
3 jours après mon départ de Norrköping, je casse mon appareil de photo. Je me retrouve presque en larme à devoir chercher une solution. Que faire, continuer sans? Essayer de le faire réparer? En acheter un nouveau? Je me décide pour aller en ville juste avant le week-end pour trouver du matériel à sa réparation. Les derniers 17km se font au pas de course pour réussir à choper le dernier bus.
Fourbu, quasiment en train de ramper à terre, j’arrive dans un hôtel. La tête du réceptionniste me fait prendre conscience de la réalité. Mes affaires sont cradingues, mes cheveux ressemblent à de la paille, mes cernes sont témoins de mes nombreux questionnements.
La lassitude
Après 3 jours de repos, je reprends la route consécutivement à cet arrêt forcé. Je me retrouve quelques jours plus tard en grande réflexion. Tous ce qui constituait un état béat de découverte jusqu’alors devient lassant. Les forêts se succèdent chaque jours. Les lacs se remplissent petit à petit de moustiques. Et les chemins se transforment trop souvent en des routes asphaltées. Mon corps ne se régènère plus aussi rapidement. Le soir je reste des heures durant à me masser la voûte plantaire incapable de poser les pieds. Les lendemains se sont les yeux brûlant de larmes de douleur étouffés, que je reprend la route.
Mes pensées partent dans tous les sens. Je parle toute seule et rigole nerveusement pour un rien. C’est à la suite d’une de ces crises de souffrance que je me décide à changer mes plans et partir plus au nord afin de commencer le Kungsleden et de retrouver les montagnes.
Le nord
J’arrive remontée à bloc le 04 juin à Hemavan. Malheureusement la saison pour emprunter le Kungsleden ne commence qu’aux alentours du 21 juin. Et encore, c’est tôt pour la saison. Je passe donc les 10 jours suivants à faire des petites randonnées (de 20 à 25km) dans les environs.
N’y tenant plus, je décide tout de même de me lancer sur cette marche mondialement connue le 13 juin. Et c’est là que la vraie aventure commence. Je vivrais en 1 semaine et demi, des montagnes russes émotionnelles, de la résilience et tâcherai de trouver au fond de moi le maximum de volonté et de lâcher prise.
Kungsleden
Le 13 juin, j’envoie à mes parents un petit message pour les avertir de mon départ aux alentours de 10h00. Au programme, j’ai 25km à effectuer.
La météo à l’air menaçante, mais d’après les sites météorologiques de la région, aucun danger n’est à prévoir pour ces prochains jours. Quelle aubaine!!
Les premières heures se passent parfaitement. Mon corps à entièrement récupéré des jours précédents. Je marche facilement, jusqu’au moment où le vent se lève. Le temps se gâte rapidement. Des gouttes glaçantes tombent parfois des nuages. De celles qui te fouettent violemment le visage. Le vent forci chaque heure un peu plus. A tel point qu’en arrivant à la petite cabane d’urgence, je me retrouve obligée de me poser pour la nuit. Bien que Jaqueline supporterait aisément ces bourrasques, je comprend que je serais totalement incapable de monter celle-ci sur ce terrain montagneux, où la roche est proche de la surface et donc que les sardines ne s’enfoncent ni facilement ni profondément.
Le 14 au matin, le temps ne s’est pas amélioré. C’est à contre coeur et avec l’espoir que mes habits aillent séchés durant la nuit que je remet ceux-ci encore trempés et gelés de la veille. Il est 3h30 du matin, je n’ai pratiquement pas fermé l’oeil de la nuit. La journée sera longue. 35km m’attendent.
Les 3 premières heures sont très difficiles. Je me retrouve à marcher dans les névés où je m’enfonce et tombe parfois. Les bourrasques sont si violentes qu’il m’est obligée de faire des pauses pour essayer de ne pas tomber. Pour couronner le tout, mes tendinites se sont réveillées et mes genoux me font souffrir atrocement. Mon verneuil est la goutte qui fait déborder le vase. J’arrive enfin au col. Exténuée, il est 6h30 du matin et je me demande si je réussirais à marcher jusqu’à mon but.
En redescendant, je constate 2 tentes proches du sentier. Cela me remotive. Je ne suis pas seule sur ce chemin. Le vent faiblit en descendant dans la vallée.
Il est 8h30 du matin quand j’arrive enfin à l’endroit où le pont à été détruit et où je vais devoir traverser la rivière sur une barque. Et quelle barque. Le vent s’est remis à souffler et la pluie recommence. La barque est une vieillerie et les rames sont tellement fine que je sais à peine de quel coté les utiliser. Le bateau en bois à été soigneusement tiré sur la berge par ce que je soupçonne être un géant. Je tente péniblement de la sortir hors de l’eau. Le premier essaie se révèle infructueux.
Je m’assois lassée et désemparée et me décide à attendre que quelqu’un daigne venir m’aider. Je commence à rêver à un gentil et joli suédois bien musclé du style viking, venant me secourir courageusement! Au bout d’une heure il me faut me rendre à l’évidence! Je vais devoir me débrouiller seule.
Je me remet en besogne et tire durant 30 minutes, les pieds totalement immergé, la lourde barque comme un cheval mort. Quand enfin celle-ci est sortie de son emplacement, ce que je croyais représenter le pire n’est en fait que le début de cette mésaventure. Je ne sais ABSOLUMENT pas comment pagayer et encore moins avec une telle embarcation.
La première traversée est fastidieuse, le vent me pousse constamment et je m’épuise à tenter d’atteindre l’autre berge. Après avoir manqué de chavirer une bonne 10 aine de fois, j’arrive enfin (au mauvais endroit) mais de l’autre côté de la rivière. Stressée et plus capable de réfléchir correctement, je me retrouve à retraverser la rivière 2 fois, une besogne totalement inutile. Il est pratiquement midi quand je reprend le chemin pour terminer les 20km restants.
La compagnie des rennes tout au long de la marche, me permettra tout de même d’arriver à destination vers 20h ce jour-là, le corps fourbu.
Le lendemain, je pleurs toutes les larmes humainement possible. Je n’ai pas beaucoup dormi à cause des abcès douloureux. Mes vêtements sont trempés des jours précédents et refusent de sécher. Mes pieds sont des glaçons que je n’arrive presque plus à bouger. Et il me reste 20 km jusqu’au village le plus proche.
Ce soir-là, je décide de me réserver un hôtel franchement onéreux pour jouir d’une douche bien chaude et d’un bon repas. Deux nuits dans un lit plus que douillet, me remettent d’aplomb pour les prochains jours.
Je marche encore 3 jours avant de capituler. Les conditions météorologiques sont désastreuses, des pluies incessantes et mes douleurs liées à la maladie ne faiblissent pas. La solitude devient ma pire ennemie. Je n’en peux plus de me battre sur des kilomètres contre la fatigue, le froid, les doigts flétris, les membres douloureux et mon mental.
Je reprend le bus jusqu’à la ville et repars en direction de Stockholm.
Vivre une aventure pareil est l’épreuve la plus puissante que j’aie vécu. Apprendre à ne pas laisser tomber même quand on en a marre et que tout conspire à abandonner. Aller au delà de ses capacités physiques et mentales.
Le challenge supplémentaire a été d’accepter de quitter cette marche nordique et que je n’irais pas plus loin cette année. Essayer de ne pas se sentir nulle, de ne pas se sentir illégitime. Se focaliser sur les réussites plus que sur l’échec de ce rêve longtemps mûrit on été les autres facettes de ce lâcher prise et de cette force intérieure que j’ai nourris durant ces quelques semaines.
Je garde le coeur emplit de joie et d’envies. De découvertes, de voyages et d’aventures. Cette baroude à été plus qu’une simple expérience, cela m’a fait grandir et apprendre pour les prochaines odyssées que je vivrais assurément!